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Comment gérer les déblais et les remblais issus du terrassement ?

Le terrassement constitue une étape fondamentale dans tout projet de construction, qu’il s’agisse d’un bâtiment résidentiel, d’une infrastructure routière ou d’un aménagement paysager. La gestion des déblais et remblais représente un défi technique, environnemental et économique majeur pour les professionnels du secteur. Avec plus de 70% des déchets du BTP composés de terres excavées selon le BRGM, la valorisation de ces matériaux devient un enjeu crucial de l’économie circulaire. Face aux contraintes réglementaires croissantes et à la raréfaction des ressources naturelles, optimiser le cycle des terres de terrassement n’est plus optionnel mais indispensable pour la viabilité des projets de construction modernes.

Définition et problématiques des déblais et remblais en terrassement

Les opérations de terrassement impliquent deux mouvements de terre principaux qui forment un cycle fondamental dans tout projet de construction : le déblai et le remblai. Ces deux opérations, bien que diamétralement opposées, sont intrinsèquement liées et leur équilibre conditionne la réussite technique, économique et environnementale d’un chantier.

Distinction technique entre déblai et remblai

Le déblai correspond à l’action d’extraire des matériaux (terre, roche, gravats) d’un terrain pour créer des fondations, niveler une surface ou réaliser une excavation. C’est une opération qui génère des matériaux dont la destination doit être anticipée. Ces matériaux peuvent être réutilisés sur place, transportés vers un autre chantier ou évacués vers des installations spécialisées.

À l’inverse, le remblai consiste à apporter et mettre en place des matériaux pour combler une excavation, surélever un terrain ou créer une forme spécifique comme une butte paysagère. Le remblaiement nécessite des matériaux aux caractéristiques techniques précises pour garantir la stabilité des ouvrages qui reposeront dessus.

La maîtrise du cycle déblai-remblai est l’art d’équilibrer extraction et remblaiement tout en minimisant les transports de matériaux. C’est à la fois une science technique et une approche économique qui détermine la viabilité d’un projet de construction.

Les opérations de déblai utilisent généralement des engins spécifiques comme les pelles mécaniques, les bulldozers ou les chargeuses, tandis que le remblai nécessite des compacteurs et des niveleuses pour garantir la densité et la planéité requises. Le choix de ces équipements dépend directement de la nature des sols rencontrés et des volumes à traiter.

Enjeux environnementaux de la gestion des matériaux excavés

La gestion des matériaux de terrassement soulève des défis environnementaux considérables. Selon les estimations récentes, plus de 200 millions de tonnes de terres sont excavées chaque année en France, représentant une ressource potentielle immense mais aussi un risque de pollution si mal gérée.

Le premier enjeu concerne l’impact carbone des transports. Chaque kilomètre parcouru par un camion transportant des terres génère environ 0,1 kg de CO2 par tonne de matériau. Sur un grand chantier mobilisant des centaines de camions, l’empreinte carbone peut rapidement devenir considérable. La réduction des distances de transport constitue donc un levier majeur d’amélioration environnementale .

Le risque de dissémination de polluants présente un autre défi crucial. Les terres excavées peuvent contenir des substances nocives (hydrocarbures, métaux lourds, etc.) susceptibles de contaminer les sols, les nappes phréatiques ou les écosystèmes si elles sont réutilisées sans précaution. La caractérisation préalable des sols devient ainsi une étape indispensable de tout projet responsable.

L’artificialisation des sols constitue également une problématique environnementale majeure. L’excavation de terres naturelles pour les remplacer par des matériaux inertes peut perturber les cycles hydrologiques locaux et réduire la biodiversité. Une approche raisonnée du terrassement doit donc intégrer la préservation des fonctionnalités écologiques des sols.

terrassement en Ile-de-france

Contraintes réglementaires françaises en matière de terrassement

Le cadre réglementaire français encadrant la gestion des déblais et remblais s’est considérablement renforcé ces dernières années. La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) de 2020 a notamment fixé un objectif de valorisation de 70% des déchets du BTP d’ici 2030. Cette obligation pousse les acteurs à repenser leurs pratiques de gestion des terres.

Pour réaliser des travaux de terrassement, plusieurs autorisations peuvent être nécessaires selon l’ampleur et la localisation du projet. Dans certains territoires comme l’Île-de-France, des dispositions spécifiques s’appliquent en raison de la densité urbaine et des enjeux environnementaux particuliers. L’ autorisation de terrassement en Ile de France représente une étape administrative incontournable pour les porteurs de projets.

La traçabilité des terres excavées est devenue une obligation légale depuis 2021. Chaque mouvement de terre doit désormais être consigné dans des bordereaux de suivi, permettant de tracer l’origine et la destination finale des matériaux. Ce système vise à lutter contre les dépôts sauvages et à garantir que les terres contaminées ne soient pas réutilisées de façon inappropriée.

terrassement

Les installations de stockage de déchets inertes (ISDI) sont soumises à des réglementations strictes concernant les types de matériaux qu’elles peuvent accepter. Des analyses préalables sont généralement requises pour caractériser les terres et déterminer leur acceptabilité. Les critères d’acceptation sont basés sur des seuils de concentration pour différents polluants, définis dans l’arrêté du 12 décembre 2014.

Impact économique d’une gestion optimisée des terres

L’optimisation de la gestion des déblais et remblais représente un levier économique substantiel pour les projets de construction. Sur certains grands chantiers d’infrastructure, le poste « terrassement » peut représenter jusqu’à 30% du budget global. Chaque amélioration dans ce domaine se traduit donc par des économies potentiellement significatives .

Le coût d’évacuation des terres en décharge agréée a considérablement augmenté ces dernières années, atteignant aujourd’hui entre 15 et 50 euros par mètre cube selon la nature des matériaux et leur degré de contamination. À ces tarifs s’ajoutent les frais de transport, qui peuvent facilement doubler la facture finale. La réutilisation des terres sur site permet d’éviter ces coûts tout en réduisant les besoins en matériaux d’apport.

Les techniques de traitement des sols in situ, comme la stabilisation à la chaux ou aux liants hydrauliques, offrent un excellent rapport coût-bénéfice. Bien que nécessitant un investissement initial en matériel et en expertise, elles permettent de transformer des sols médiocres en matériaux techniquement acceptables pour les remblais, générant des économies de l’ordre de 30 à 50% par rapport à une solution d’évacuation/apport.

La réduction des délais de chantier constitue un autre avantage économique majeur d’une gestion optimisée des terres. En minimisant les rotations de camions et les attentes liées aux approvisionnements, les équipes peuvent travailler plus efficacement, réduisant ainsi la durée globale du projet et les coûts associés (location d’engins, main d’œuvre, frais généraux).

Méthodes d’évaluation et de préparation avant terrassement

Avant d’entreprendre tout travail de terrassement, une phase préparatoire rigoureuse s’impose pour garantir la qualité technique, la conformité réglementaire et l’optimisation économique du projet. Cette étape fondamentale repose sur plusieurs piliers complémentaires qui permettent d’anticiper les défis et d’adapter les méthodes d’exécution.

Étude géotechnique et analyse des sols

L’étude géotechnique constitue la pierre angulaire de tout projet de terrassement réussi. Elle permet d’identifier la nature des sols présents, leur composition, leur comportement mécanique et leur éventuelle contamination. Plusieurs niveaux d’études peuvent être réalisés selon la complexité du projet, allant de la simple reconnaissance visuelle pour de petits chantiers jusqu’aux analyses approfondies avec prélèvements et essais en laboratoire pour les projets d’envergure.

Les sondages à la pelle mécanique ou les forages permettent d’observer la stratigraphie du terrain et de prélever des échantillons représentatifs pour analyse. Ces échantillons sont ensuite soumis à divers tests permettant de déterminer leurs propriétés physiques et mécaniques : granulométrie, teneur en eau naturelle, limites d’Atterberg, valeur au bleu de méthylène (VBS), indice CBR, etc.

Identification des matériaux réutilisables sur site

L’une des finalités principales de l’étude géotechnique est d’identifier les matériaux qui pourront être réutilisés directement sur le chantier. Cette démarche s’inscrit pleinement dans la logique d’économie circulaire promue par les réglementations actuelles. La classification des sols selon le Guide des Terrassements Routiers (GTR) permet de déterminer leur aptitude au réemploi en fonction de leur nature et de leur état hydrique .

Les matériaux granulaires comme les graves naturelles, les sables ou certains types de limons présentent généralement de bonnes caractéristiques pour une réutilisation en remblai technique. À l’inverse, les argiles très plastiques, les sols organiques ou les matériaux gypseux sont souvent problématiques et nécessitent soit un traitement préalable, soit une évacuation.

La teneur en eau des matériaux constitue un critère déterminant pour leur réutilisation. Des sols trop humides peuvent nécessiter un séchage ou un traitement à la chaux, tandis que des matériaux trop secs devront être humidifiés pour atteindre leur optimum de compactage. La planification des travaux doit donc tenir compte des conditions météorologiques et prévoir des aires de stockage adaptées.

Détection des sols pollués nécessitant un traitement spécifique

L’identification précoce d’une éventuelle pollution des sols est cruciale pour éviter des complications techniques, réglementaires et financières en cours de chantier. Des prélèvements ciblés sont réalisés dans les zones suspectées de contamination, notamment sur d’anciens sites industriels, des zones de remblais historiques ou à proximité d’infrastructures potentiellement polluantes.

Les analyses recherchent principalement les hydrocarbures (HAP, HCT), les métaux lourds (plomb, arsenic, mercure, etc.), les PCB, ainsi que les composés volatils (BTEX). Les résultats sont comparés aux valeurs seuils définies par la réglementation pour déterminer les filières d’évacuation appropriées ou les techniques de traitement à mettre en œuvre.

La présence de pollution peut significativement complexifier la gestion des déblais, tant sur le plan technique (nécessité de trier les terres, risques sanitaires pour les travailleurs) que financier (surcoût d’évacuation pouvant atteindre 300% par rapport à des terres inertes). La mise en place d’un plan de gestion des terres adapté devient alors indispensable.

Calcul des volumes de déblais/remblais et équilibre du chantier

L’estimation précise des volumes de terres à extraire et à mettre en œuvre constitue un préalable essentiel à la planification efficace des travaux de terrassement. Les techniques modernes de modélisation 3D et de calcul topographique permettent d’obtenir des évaluations de plus en plus fiables, réduisant les aléas en cours de chantier.

La recherche d’un équilibre entre déblais et remblais représente souvent un objectif majeur de l’étude préliminaire. Un chantier « équilibré » minimise les coûts de transport et l’impact environnemental tout en optimisant les délais d’exécution . Pour y parvenir, plusieurs approches peuvent être combinées : adaptation du projet aux contraintes du terrain, traitement des sols pour améliorer leurs caractéristiques, création d’aménagements paysagers pour absorber les excédents.

Le coefficient de foisonnement, qui représente l’augmentation de volume d’un matériau après extraction, doit être pris en compte dans les calculs. Ce coefficient varie généralement entre 1,1 et 1,4 selon la nature des sols et peut significativement impacter les besoins en stockage temporaire et en transport. À l’inverse, le coefficient de tassement après compactage (souvent entre 0,8 et 0,9) influe sur les volumes de remblai nécessaires.

Type de solCoefficient de foisonnementCoefficient de tassement après compactage
Sable1,10 – 1,150,95 – 0,98
Limon1,15 – 1,250,90 – 0,95
Argile1,25 – 1,350,80 – 0,90
Roche tendre1,35 – 1,400,75 – 0,85
Roche dure1,40 – 1,600,65 – 0,75

Choix des engins adaptés selon la nature des travaux

La sélection des engins de terrassement doit être minutieusement adaptée aux spécificités du chantier, à la nature des sols et aux contraintes d’accès. Un choix judicieux permet d’optimiser les rendements tout en minimisant les coûts d’exploitation et l’impact environnemental.

Pour les opérations de déblai, les pelles hydrauliques constituent souvent l’équipement principal, avec des tailles variant de 2 à 50 tonnes selon l’ampleur des travaux. Les bulldozers sont privilégiés pour le décapage de grandes surfaces et les travaux de régalage, tandis que les chargeuses assurent le chargement des matériaux dans les camions.

Pour le remblaiement et le compactage, différents types de compacteurs sont utilisés selon la nature des sols : compacteurs à pneus pour les matériaux granulaires, rouleaux vibrants pour les sols cohérents, plaques vibrantes pour les espaces restreints. Le choix de la fréquence et de l’amplitude de vibration doit être adapté aux caractéristiques des matériaux pour obtenir une densification optimale.

Planification logistique de l’évacuation et du stockage

Une planification logistique rigoureuse est indispensable pour optimiser les flux de matériaux sur le chantier. Elle doit prendre en compte les contraintes d’espace, les cadences d’extraction et de mise en œuvre, ainsi que les conditions météorologiques susceptibles d’impacter le planning.

L’organisation des zones de stockage temporaire requiert une attention particulière. Ces aires doivent être suffisamment dimensionnées pour accueillir les volumes prévus tout en permettant le tri des matériaux selon leur nature et leur destination. La protection contre les intempéries et le drainage des plateformes sont essentiels pour préserver les caractéristiques des matériaux stockés.

Techniques de valorisation des déblais de terrassement sur site

Réemploi direct des terres en remblai

Critères de sélection des matériaux réutilisables

La réutilisation des déblais en remblai nécessite une évaluation précise de leurs caractéristiques géotechniques. Les principaux critères incluent la granulométrie, la teneur en eau naturelle, la portance et la sensibilité à l’eau. Ces paramètres sont comparés aux exigences du projet pour déterminer leur aptitude au réemploi.

Techniques de compactage pour garantir la stabilité

Le compactage des remblais suit des règles strictes définies dans les guides techniques. L’épaisseur des couches, le nombre de passes et l’énergie de compactage sont ajustés selon la nature des matériaux et les objectifs de densification. Des contrôles réguliers (essais à la plaque, gammadensimètre) permettent de vérifier l’atteinte des objectifs.

Traitement des sols à la chaux ou aux liants hydrauliques

Le traitement des sols permet d’améliorer les caractéristiques mécaniques de matériaux initialement impropres au réemploi. La chaux est particulièrement efficace pour réduire la teneur en eau et augmenter la portance des sols argileux, tandis que les liants hydrauliques renforcent la résistance mécanique à long terme.

Le traitement des sols in situ peut permettre de valoriser jusqu’à 80% des déblais initialement considérés comme inadaptés, générant des économies substantielles tout en réduisant l’impact environnemental du chantier.

Aménagements paysagers avec les excédents de terre

L’intégration des excédents de terre dans des aménagements paysagers constitue une solution élégante pour éviter leur évacuation. La création de modelés de terrain, de buttes végétalisées ou de jardins en relief permet de valoriser ces matériaux tout en enrichissant le projet architectural.

Création de merlons acoustiques ou paysagers

Les merlons anti-bruit représentent une application particulièrement pertinente pour la réutilisation des déblais. Ces ouvrages, dont la hauteur peut atteindre plusieurs mètres, permettent de réduire efficacement les nuisances sonores tout en créant des barrières visuelles végétalisées.